COLLABORATIONS ACTUELLES

Née en Février dernier au fameux Sacred Spirit Festival de Jodhpur, cette rencontre qui aurait pu sembler du domaine de l’improbable, grâce aux personnalités de Loup Barrow et Flute J. Jayant devint finalement celle de l’inévitable. L’un, de par le choix de l’un des instruments les plus insolites du XX siècle, l’autre par sa virtuosité révolutionnaire, sont à leur manière des « diggers » (« ceux qui creusent », terme très en vogue de nos jours !), étant constamment à la recherche de nouvelles sonorités avec ce besoin de partager un savoir acquis dans une incessante quête nomade.

C’est cette quête, lors d’un voyage à Venise, qui fera découvrir à Loup Barrow la harpe de verre, le Séraphin (jeu de verres accordés). Dès son retour en France, il fabrique son propre instrument (à trois octaves 1⁄2 avant de découvrir bientôt le Cristal Baschet : le dernier instrument polyphonique conçu à Paris. Il rencontrera l’un de ses inventeurs Bernard Baschet, l’un des frères Baschet, tous deux à l ’origine en 1953 de cet instrument chromatique constitué en autre de tiges de verre que l’on caresse avec les doigts. Lui offrant des possibilités de jeux infinies, le Cristal Baschet permettra à Loup Barrow de jouer dans un registre très large, le menant du classique à la musique contemporaine ou minimaliste ainsi qu’aux musiques traditionnelles, notamment en duo avec le joueur de vièle chinoise erhu : Guo Gan.

Dans cette nouvelle approche musicale, comme ce fut le cas sur les rives du lac du Mehrangarh Fort de Jodhpur, le Cristal Baschet propage ses ondes acoustiques, de manière éthérée s’entremêlant avec les méandres aiguisés de la flute bansuri de J. Jayant. Le contexte modal bâti sur l’art du raga, permet de décliner un spectre sonore hallucinant, ponctué par cette virtuosité rythmique, presque mathématique chère à la musique carnatique. L’histoire, elle, de J. Jayanth, affectueusement appelé « Flute Jayanth », est né dans une famille de musiciens comme c’est souvent le cas dans l’univers de la musique carnatique. Dès l’âge de cinq ans, il s’est naturellement formé à la flûte de bambou dans la tradition de la musique classique indienne (guru-shishya parampara) auprès de son grand-père et gourou, feu Kalaimamani Flute T. S. Sankaran, Jayanth a appris à possède une technique unique et virtuose de doigté et de souffle qui lui permet  d’exprimer magnifiquement sa musique, notamment dans de subtils octaves inférieures, sur les flûtes de bambou à parois épaisses basse et contrebasse. Animé de cette justesse parfaite (« suddham » dans la musique carnatique), son interprétation expressive fait ressortir la profondeur et l’âme des aspects lyriques des compositions qu’il présente (gayaki).

Alain Weber